Aliénor d’Aquitaine Une influenceuse à la cour de France et d’Angleterre
Femme de caractère, intrépide et audacieuse, Aliénor d’Aquitaine a su s’imposer en un temps où la misogynie et une société alors aux mains des hommes étaient ses composantes.
Dans ce numéro, vous allez découvrir de quelle manière Aliénor d’Aquitaine a «révolutionné» la mode et les denrées présentes au Moyen Age, osant briser les dogmes, s’attirant ainsi l’admiration des uns, comme l’offuscation des autres. C’est pourquoi, nous ne relaterons malheureusement pas sa vie en détail, cependant, c’est une femme s’opposant aux stéréotypes de même qu’aux injonctions faites à la gente féminine qui va vous être révélée. Ainsi, laissez-vous plonger au sein d’une des parties de la vie d’Aliénor les plus surprenantes.
Le meilleur parti
pour la France…
Aquitaine, duché suprême des puissances militaire, artistique, et culinaire! Oui, au XIIe siècle, l’Aquitaine fut le duché le plus important de France qui soit durant une longue période. S’étendant des Pyrénées jusqu’aux portes du comté d’Anjou, celui ou celle qui le possède devient incontestablement la personne la plus influente du royaume de France. C’est donc sur ces terres que Aliénor d’Aquitaine fut mise au monde vers 1122 faisant d’elle de ipso facto l’héritière du duché d’Aquitaine ainsi que la personne la plus puissante de France. Les heureux propriétaires de ce duché mais aussi parents d’Aliénor ne sont autre que Guillaume X et Aénor de Châtellerault. Enfance s’épanouissant dans le bonheur des Arts et des Lettres (éducation au latin comprise, bien entendu), Aliénor est cette même rose au Soleil qui se nourrit de sa lumière insatiablement. Cheveux d’or, traits amincis, et attitude des plus sereines : elle remplit tous les critères de son temps. Tout lui réussit, et elle est même promue duchesse à seulement 14 ans…à cause d’un drame familial. En effet, son père décéda au cous d’un pèlerinage en direction de Saint-Jacques de Compostelle, laissant la place de duc «vacante». Endossant son rôle avec sérieux et détermination, Aliénor est bien décidée à faire éclore toute la splendeur de sa famille. De ce fait, consciente de sa position, elle saisit les enjeux qui lui sont liés. Et comment faire prospérer une puissante famille du XIIe siècle ? En épousant le parti idéal ! Problème, étant à la tête du plus grand et du plus puissant duché, tous les hommes, tous les grands seigneurs lui sont inférieurs. Tous, sauf un : le roi de France ! Qui plus est, ils ont tous deux un an d’écart (lui est âgé de 16 ans, et elle de 15 ans), quelle chance, n’est-ce pas ? Nos deux tourtereaux s’étant rencontrés dans le domaine d’Aliénor, et ayant réciproquement déclenché la flamme du Désir chez chacun d’eux, le mariage se déroule à l’entrée de la cathédrale Saint-André à Bordeaux. Aliénor est devenue reine ! Ainsi, elle ne tarde pas à partir pour Paris, une ville qu’elle trouvera terne et triste. Mais rassurez-vous, elle ne s’en est pas allée toute seule ! Eh oui, elle transporte en sa compagnie une troupe de troubadours ainsi qu’une importante garde robe. Paris n’a qu’à bien se tenir : Aliénor est en route, et apporte avec elle la Joie et la Vie.
Une fois établit dans sa nouvelle demeure sur l’île de la Cité à Paris, au sein de l’ancien palais royal, convertit aujourd’hui en Palais de Justice, la cour parisienne, alors un temps soit peu austère, voit défiler et s’installer la Nouveauté même. Eh oui, c’est toute une troupe de troubadours importée depuis Bordeaux, qui s’affirme à la cour royale : à ce moment, musique et poésie chantant l’amour courtois sont les seules maîtresses. Et celles-ci n’ont que pour autre chef d’orchestre la ravissante Aliénor d’Aquitaine. Après s’être installée dans ses nouveaux appartements, les courtisans font l’incroyable découverte d’une provocation digne d’Artémis combinée à la sensualité d’Aphrodite : robe légère flamboyante et flottante de près d’1 mètre 50 de tissus (et plus précisément de soie), le tout ceint d’une simple corde fine et discrète, Aliénor s’attire une fois encore tous les regards qu’ils soient associés à l’attirance, tant des hommes que des femmes, comme à l’outrance de certaines femmes aux valeurs conservatrices. A partir de ce moment, la cour connaît un autre temps : celui du Changement. Et quel changement que la musique enrobée d’une nouvelle mode vestimentaire. Mais cela n’en finit pas pour autant, car un ultime élément réunissant tout le monde fait également une entrée magistrale : la nourriture. Grande adepte des épices qui viennent rythmer le goût des aliments en bouche, elle initie les nobles à ces petites notes de piquant dont elle fit l’acquisition à Provins, en Champagne, chez un marchand italien.
Mais le vent va commencer à tourner pour les relations conjugales d’Aliénor et de Louis. En 1147, Louis se voit dans l’obligation de partir dans les États latins d’Orient, puisqu’en 1144, Zengi s’est emparé de Edesse appartenant aux Francs. Deux années plus tard, Bernard de Clairveaux, sur ordre du pape Eugène II, se charge alors de prêcher ce qui est la deuxième croisade. Faisant route vers l’Orient, bien que sa présence attisât la plus grande incompréhension mêlée à la colère de quelques ecclésiastes, Aliénor d’Aquitaine assiste à une guerre Sainte ponctuée de gloire mais maculée de défaites parfois évitables telle celle de Damas, et plus précisément, de son siège, en 1148. Son époux a certes perdu une guerre mais pas celle de la cuisine. Pendant qu’il s’occupait de ses prochains plans de bataille, Aliénor partait à la conquête de nouvelles saveurs. C’est pourquoi, la France, après la deuxième croisade, voit sa déroute adoucit par de surprenantes épices souvent au goût torride, reflétant l’Orient, ainsi que du sucre. Eh oui, le sucre, quelle perle rare ! A cette époque cette même denrée, faisant en réalité office d’épice, ne se trouve qu’en Orient, et quand bien même il y en aurait en France : un gramme de sucre équivaut un gramme d’or, disait-on !
Après avoir goûté aux merveilles transportées par notre Duchesse, la France ne va malheureusement pas se délecter longtemps de ces délices. Au retour de la croisade, Aliénor d’Aquitaine demande le divorce ! Une première dans l’Histoire ! En plus de cela, Aliénor obtiendra sa justice : elle sera officiellement émancipée de son mari le roi Louis VII le Jeune.
…qui part pour
l’Angleterre
Et qu’est-elle advenue ? Elle s’est tout simplement remariée. Mais pas avec n’importe qui. Jeune homme à la courte chevelure enflammée, sculpté de la tête aux pieds, et imposant : Henry, duc d’Anjou, du Maine, et de Normandie, est le preux chevalier d’Aliénor. Et coup du sort, Henry est rattaché à la couronne d’Angleterre, et par conséquent, appartient à la dynastie des Plantagenêt.
Prenant, par la suite, le large vers sa nouvelle demeure à Londres, c’est une ville en proie à la pauvreté et un véritable coupe-gorge qui s’offre à elle. Si elle avait trouvé Paris sombre : alors Londres, complètement délabrée et malfamée, est la quintessence du mal-être. En 1152, cette fois, Aliénor se remarie et regagne une couronne : celle d’Angleterre.
Sa nouvelle cour est un tant soit peu similaire à celle de Paris : animée de courtisans et dressée d’un bel apparat qui ne déguise qu’un lieu vide ; une décoration richissime qui perd tout sens à l’intérieur
Heureusement, Aliénor se trouve une fois de plus au bon moment afin de redonner un peu d’éclat à la situation. A l’instar de sa précédente cour, elle invite sa nouvelle aux plaisirs français: musique, danse, cuisine sont ses ingrédients qui exécutent la recette du bonheur avec grandiose. Et un dernier souffle de douceur vient arracher cette cour à une époque archaïque : le vin. Et pas un simple vin, il s’agit de bordelais. Ah… quelle succulente liqueur qui embrase les papilles des anglais, les faisant s’animer, se dépoussiérer, et leur redonnant un élan de jeunesse ; inscrivant par la même occasion l’Aquitaine dans la région de la Renommée.
Au fil du temps, les dynasties naissent, vieillissent et succombent mais l’Art restent, invaincu.
On l’aura compris, Aliénor d’Aquitaine, qui a mis au service de deux grands pays les plats et la culture de sa région, a réussi à occuper une place dans la postérité, plusieurs grandes lignées françaises et anglaises ayant conservé son mode de vie.
C’est pourquoi, je vous retrouve dans un prochain numéro du Gay-Lu Times en espérant que Aliénor d’Aquitaine vous apparaîtra comme une personne ayant apporté des petites spécialités qui lui ont conféré une grande notoriété.