Culture

UN LIEN ET UNE COHESION SOCIALE EN PERIL

Un lien et une cohésion sociale en péril

 

Les valeurs de vivre ensemble et de fraternité sont inscrites dans la constitution française depuis 1789 grâce à la révolution. Cette unité dans la différence, le partage de la culture, la bienveillance, la confiance et le soutien peuvent être considérés comme essentiels au bon fonctionnement d’une société. Elles permettent à l’être humain, connu pour son besoin de socialité, de vivre le plus confortablement possible en partageant des règles communes valables universellement. Cependant aujourd’hui, on constate une montée du repli sur soi et un resserrement des liens communautaires qui engendrent des tensions entre les individus. Comment les fondements du lien social se trouvent aujourd’hui fragilisés ? Cette vulnérabilité peut être entre autres causée par un isolement imposé ou volontaire de communautés, mais aussi par d’importantes discriminations entraînant des inégalités, par une perte de confiance ou encore par une montée de la violence.

 

L’isolement social est caractérisé par l’absence d’interactions sociales régulières, qui peut être choisie ou non. Il s’inscrit dans des contextes divers (guerre, maladie grave, rejet etc…) et pose des problèmes de vie en société assez conséquents. 

Celui-ci touche tout type de personne à tout âge mais il est majoritaire chez les personnes âgées de plus de 75 ans. On estime aujourd’hui, qu’une personne âgée sur quatre subit un isolement social qui leur est imposé. Et ce phénomène ne va qu’en s’aggravant, en effet le pourcentage de séniors n’ayant pas de contacts réguliers avec leurs voisins est passé de 38% en 2010 à 52% en 2014 (d’après l’étude de fondement de France sur la solitude en France, en 2014). Cela est notamment dû à une perte de mobilité et d’autonomie. Dans la même idée, les personnes victimes d’un handicape physique sont elles aussi stigmatisées par cet isolement, car leurs interactions sont restreintes et les opportunités pour nouer de nouveaux contacts sont faibles. L’isolement peut aussi toucher toute une communauté, c’est aujourd’hui le cas des habitants de zones rurales éloignées des grandes villes ou d’immigrés qui sont regroupés entre eux dans des quartiers pauvres. En outre, ces zones sont victimes d’un manque inquiétant de transport en commun pour les zones rurales et d’ouverture au monde du travail pour les immigrés. Elles sont aussi en première ligne face au problème de désertification médicale, l’accès au soin est donc très réduit (d’après une “étude sur la santé en milieu rural” de l’ AMRF). Les travailleurs des écoles sont aussi touchés par les fermetures des classes et des écoles de campagne, sous prétexte du manque d’effectif. Gauvain Sers dénonce d’ailleurs cette négligence dans sa chanson “Les oubliés” en 2019. Un tel isolement social à pour conséquence un immense sentiment de solitude ayant des séquelles importantes sur la santé mentale d’un individu. S’ajoute à cela la crise du covid19 qui a grandement aggravé ce phénomène notamment avec le confinement mais aussi du fait des mises en quarantaine des malades qui se sont parfois retrouvés très coupés du monde. Mais l’isolement peut aussi être volontaire, c’est en effet le cas de ce que l’on appelle les “gated communities”; ces quartiers fermés protégés par des barrières ou dans les cas les plus extrêmes des gardes armés, dans lesquels seuls les résidents sont autorisés à circuler. Il existe par exemple le quartier des Hauts de Vaugrenier à Nice. Ce quartier s’étale sur pas moins de 130 hectares. Le but étant de se protéger de la forte délinquance et criminalité à Nice (le taux de criminalité est d’environ 62% alors que la norme française tourne autour de 55%). Ces quartiers ne sont accessibles qu’à une classe sociale riche du fait notamment de leurs prix très élevés (frais d’entretiens de voies privées, coût de l’immobilier, de la privacité etc…). Ainsi ses quartiers empêchent le lien social avec l’extérieur et créent un isolement au sein d’une même classe sociale. On peut aussi constater une augmentation du regroupement communautaire, c’est par exemple le cas du communautarisme religieux, conséquence d’une importante discrimination que l’on peut illustrer par l’exemple du voile musulman ; un sujet très controversé en France.

 

L’inégalité est une différence perçue ou vécue comme une injustice car elle n’assure pas les mêmes chances à chacun. On peut parler d’inégalité quand un individu ou une population détient des ressources ou a accès à certains biens ou services que d’autres n’ont pas. Une inégalité sociale n’est pas illégale, cependant, lorsqu’elle le devient, on l’appelle une discrimination.

Prenons l’exemple des personnes sans domicile fixe car elles sont confrontées à de nombreuses inégalités qui fragilisent leur lien avec la société pouvant les conduire jusqu’à l’isolement. Dans l’appellation sans domicile fixe, on distingue les «sans-abri» qui vivent dans la rue et ceux qui sont hébergés ou logés par une association ou une structure sociale. Les raisons de cette précarité de logement peuvent être liées au chômage, à la pauvreté, aux migrations, au vieillissement, aux problèmes de santé, aux séparations, au manque de logements abordables à louer et à vendre dans certaines zones géographiques et à l’insuffisance de soutien fourni aux personnes sortant d’un centre de soin, de l’hôpital, de prison ou d’autres établissements publics. Au quotidien, les personnes sans domicile sont soumises à d’innombrables difficultés. Au quotidien, les personnes sans domicile sont soumises à d’innombrables difficultés. Elles sont fragilisées par l’absence d’accès à de nombreux besoins, par des problèmes de santé, par un sentiment d’isolement et par des difficultés d’accès aux services publics essentiels. Un article du journal «Ouest-France», écrit par Julie PAIN et publié le 26 avril 2022, s’est intéressé au nombre de sans domiciles fixes en France en s’appuyant sur le 27ème rapport annuel sur l’état du mal-logement en France publié en février 2022 par la fondation Abbé Pierre. On y apprend que parmi les 4,1 millions de personnes mal logées, 300 000 d’entre elles n’ont pas de domicile fixe en 2022. C’est deux fois plus qu’en 2012 et trois fois plus qu’en 2001. L’association, «la fondation Abbé Pierre» créée en 1987 par l’Abbé Pierre (1912-2007) se bat contre l’injustice et la précarité. Cette fondation agit pour les populations les plus défavorisées et contre le mal logement. Il existe donc des associations comme celle-ci en France, dont le but est de venir en aide aux personnes en difficulté mais malgré cette aide, le nombre de personnes sans domicile fixe ne cesse de croître.

Aujourd’hui encore, une autre inégalité fait beaucoup parler d’elle : celle entre les hommes et les femmes. Plus précisément l’écart de rémunération entre les deux. Cet écart se retrouve dans toutes les catégories socioprofessionnelles (cadre, professions intermédiaires, employé, ouvrier…) et conduit à l’acceptation d’une hiérarchie «naturelle». A l’aide du graphique ci-contre, issu de l’article «Inégalités salariales femmes-hommes : pourquoi la France est toujours en retard ?» paru dans Le Parisien le 5 novembre 2019, nous constatons que cet écart a tendance à diminuer au fil des années mais il demeure encore important. En 2007, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes était de 17,3%. Dix ans plus tard, on remarque une baisse de 1,9%. L’écart de rémunération était donc de 15,4%. En 2022, d’après  «Eurostat» l’écart serait remonté à 15,8%. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes n’a pas forcément vocation à se résorber. Cet écart s’explique à travers différentes raisons mais la persistance de stéréotypes concernant le genre en est la principale cause. Des préjugés sexistes dans le monde du travail entretiennent l’idée selon laquelle les femmes seraient moins aptes à diriger ou plus naturellement douées pour des tâches de soin, que les hommes. L’écart salarial s’explique également par des différences de durée de travail, en avril 2022, d’après une étude de la DARES (Direction de l’Animation, de la Recherche, des Études et des Statistiques), 28,1% des femmes contre 7,6% des hommes sont à temps partiel et sont de fait moins susceptibles de faire des heures supplémentaires. Alors que la majorité d’entre elles font de longues études et qu’elles sont plus diplômées que les hommes, elles obtiennent des postes moins bien rémunérés. Deplus, dans les secteurs moins bien rémunérant les femmes auront les emplois les plus précaires. Si les femmes sont surreprésentées dans les métiers les plus précaires et souvent trop peu valorisés : aide-ménagère, employé de maison, assistante maternelle ou encore secrétaire, ce sont en revanche les grandes absentes des postes de direction. C’est ce qu’on appelle le «plafond de verre» : expression américaine datant de la fin des années 70 désignant les «freins invisibles» à la promotion des femmes dans les structures hiérarchiques. Il constitue un obstacle dans l’évolution de leur carrière au sein de l’entreprise et limite leur accès à des postes à responsabilité. On constate que les femmes sont moins souvent promues que leurs collègues masculins et ce, dans toutes les catégories sociales. D’autre part, elles sont particulièrement pénalisées avant leurs 35 ans, c’est-à-dire pendant la période où elles sont susceptibles d’avoir des enfants. Ces inégalités de traitement peuvent aller encore plus loin et devenir des discriminations. Si une femme a le même poste et les mêmes compétences qu’un homme mais qu’au final elle perçoit une rémunération inférieure, l’inéalité entre dans le cadre d’une discrimination condamnable. La discrimination, à l’origine, c’est le fait de séparer, trier. Nous la confondons souvent avec l’inégalité. En réalité, quand une inégalité n’est pas légale, elle devient une discrimination, il y a donc un sens juridique plus précis.Selon l’article 225-1 du code pénal, une discrimination se définit par toute distinction opérée entre les personnes physiques (ou morales) à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur état de grossesse, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, etc. Il s’agit donc d’un délit, la loi sanctionne tout comportement qui porte atteinte à l’égalité des droits. Elle prévoit des sanctions pouvant allerr d’une amende à une peine d’emprisonnement ou les deux ainsi que des réparations du dommage causé par la discrimination. Tout comme les inégalités, les discriminations fragilisent le lien social et elles sont présentes dans plusieurs secteurs comme le monde du travail. Si un employeur utilise l’un des motifs de discrimination listé dans l’article 225-1 du code pénal pour refuser d’embaucher une personne, pour la sanctionner, ou pour la licencier, il s’expose à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende. Selon les résultats d’un sondage Ifop en 2016, 4 Français sur 10 ont déjà été victimes d’une discrimination à l’embauche. Parmi les motifs de rejet les plus souvent cités, on retrouve l’apparence physique (29 %) et l’origine (23%). Les discriminations raciales au travail sont interdites par le Code du travail et par le Code pénal. Elles constituent un délit pénal. Le document ci-contre illustre parfaitement les discriminations raciales dans le domaine du travail. Il s’agit d’une caricature de Charb datant de 2000 utilisée par l’association MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples) lors d’une campagne contre les discriminations à l’embauche. Une autre grande raison qui fait que le lien social est fragilisé, c’est la perte de confiance de la population française en diverses organisations ou groupes. Lors d’un sondage on voit par exemple que c’est les partis politiques dont se méfient le plus les français, suivis de près par les réseaux sociaux, les médias, les syndicats, les responsables religieux, les banques, puis les grandes entreprises et enfin la justice.

 

La perte de confiance est caractérisée par une méfiance, une défiance, un scepticisme quant à la véracité de propos ou actes qu’un individu exprime ou fait. Cette méfiance peut être collective (d’une population à un homme politique par exemple) ou individuelle ( d’une personne à une autre). Dès lors, pourquoi les français ont une soudaine perte de confiance dans les grandes organisations ?

Pour répondre à cette question il faut y réfléchir cas par cas. Tout d’abord les français n’ont pas confiance dans les partis politiques, d’après une étude de 2018 seulement 16% des français ont confiance dans les partis politiques. Et d’après des études du journal “La Voix Du Nord” cela s’expliquerait par un fossé qui s’est creusé entre la population française et le gouvernement, surtout envers le président de la république et depuis les magnifestations des gilets jaunes et la crise du covid. Ensuite il y a aussi une énorme méfiance envers les réseaux sociaux et les médias car ceux- ci véhiculent de nombreuses fausses informations qui peuvent avoir une grande influence sur l’opinion des gens. Ainsi la population française sens la démocratie menacée par ces fausses informations, et se méfie donc. La population française est anxieuse vis-à -vis d’une démocratie qui ne fonctionne pas réellement. La population se méfie donc de toutes les grandes organisations ayant du pouvoir, par exemple des grandes entreprises, en 2018, 52 à 56% de la population était méfiante envers ces entreprises et le chiffre a augmenté aujourd’hui. Les grandes entreprises ont un fort pouvoir sur la mondialisation et l’économie et de ce fait sur la politique aussi ce qui rend encore nôtre système moins démocratique.

Quelles sont les conséquences de cette perte de confiance envers les grandes organisations ? Une des première conséquence est le désintéressement des médias informatifs partageant de nombreuses actualités anxiogène dont la population français souhaite s’éloigner. Cette perte de confiance cause aussi des démonstrations de violence parmi la population mais aussi de la part des autorités comme la police ou les CRS. Et enfin elle cause aussi un isolement de la population entre groupes sociaux à cause de la défiance s’instaurant partout. Le lien social est donc réellement et sérieusement fragilisé à cause de cette perte de confiance réciproque entre les grandes organisations et le peuple, c’est une crise sociale qui pour l’instant ne s’atténue pas.

 

 

La violence est aujourd’hui un problème majeur dans notre société. Elle s’exprime sous plusieurs formes et malheureusement un peu partout. On la retrouve dans le monde du travail, à l’école, dans les lieux publics ou encore dans la rue (moqueries, rabaissements, racket, harcèlement, agressions etc…). 

Parmi ces nombreuses formes de violence on peut relever notamment  la montée en flèche du cybercrime qui regroupe le cyberharcèlement, les hacks, le hameçonnage et autres escroqueries en ligne. Avec l’utilisation quasiment systématique des réseaux sociaux, le cyber-harcèlement touche en 2019 plus de 40% des moins de 50 ans dans lesquels 22% ont entre 18 et 24 ans. Une haine qui se propage en masse en partie parce qu’elle peut être anonyme grâce aux pseudonymes et avoir peu de répercussions sur l’opprimant. Et une haine qui s’exprime par des remarques désobligeantes, des insultes et parfois même des menaces (d’agression, de viol, de mort) montrant un gros problème dans les relations entre individus puisque ces insultes ne sont (l’extrême majorité du temps) pas méritées. Au-delà des attaques verbales, les réseaux sociaux sont aussi un endroit propice à l’escroquerie : ce que l’on appelle aujourd’hui des influenceurs dû à leur grand nombre de “followers” (ex: Poopi) sont amenés à faire des placements de produits. Certains de ces placements de produits sont mensongers et impartiaux et créent une méfiance permanente chez les abonnés qui auront voulu acheter les mêmes produits que leurs idoles. Cette perte de confiance en les figures populaires mène parfois à du cyberharcèlement (témoignant aussi et probablement d’une frustration de la perte de figure idyllique et de confiance). Sorti du web, la violence, et par conséquent l’insécurité, sont aussi bien trop présentes. Dans certains quartiers, les violences sont tellement craintes que les gens qui n’y vivent pas n’osent pas réellement s’en approcher (ex : la Bastide à Limoges – quartier “chaud”). Ces quartiers sont bien souvent habités par des gens mal insérés dans la société dont notamment des immigrés qui ont été regroupés mais surtout isolés et qui ne parlent pas bien voir pas du tout français. Pour résultat : des personnes qui n’ont pas de travail et des conditions de vie difficiles induisant un sentiment de haine et des excès de violences (ex : émeutes dans le quartiers Mistral – Grenoble). En opposition aux violences civiles, les violences policières sont aussi beaucoup dénoncées et contestées puisqu’elles ne sont que rarement suivies d’une sanction. Selon France Info, en 2019 l’IGPN s’est vue confiée 868 enquêtes pour violences policières volontaires, un chiffre qui explique la perte de confiance des citoyens et la montée de l’insécurité. Enfin, comme autre forme de violence, la fraude fiscale, une violence “passive” qui fait perdre environ 19,8 milliards d’euros à la France chaque années empêchant certaines avancées coûteuses pour améliorer la vie des citoyens comme refaire des routes, engager des instituteurs, créer des parcs de jeux, réhabiliter des vieilles infrastructures etc… C’est donc ainsi que la violence peut importe son expression est un facteur de la fragilité du lien social. 

 

Pour conclure, on peut dire que lien social est fragilisé par plusieurs facteurs ayant tous une relation de cause à effet. L’isolement forcé mène à la violence, à la perte de confiance ainsi qu’aux inégalités. La violence et l’insécurité mènent à  la perte de confiance et à l’isolement volontaire. Les discriminations entraînent violence et perte de confiance etc… Chacun de ces problèmes en entraînent un ou plusieurs autre(s). Ces vulnérabilités sociales sont malheureusement de plus en plus présentes dans notre société dû à des difficultés de compréhension de soi et de l’autre, de tolérance, de solidarité mais aussi et surtout de gouvernementalité sans oublier de communication. On peut en revanche palier à cette fragilisation en essayant, collectivement et par des valeurs communes, de nous rapprocher afin de faire des compromis et concessions essentielles à un fonctionnement plus durable (en faisant, par exemple, des réunions populaires, en mettant en place plus de dispositifs d’aide à la personne ou encore en promouvant une éducation des jeunes plus tolérante et engagée).