
Les 50 ans de la loi Veil
Ce 17 janvier 2025, la France s’est vu fêter les cinquante ans de la loi Veil. Événement phare pour l’émancipation des femmes française au XXeme siècle, cette loi majeure est entrée dans la Constitution en mars dernier. Aujourd’hui ce droit est remis en cause, notamment aux États-Unis. Cet anniversaire semble donc être l’occasion idéale de nous rappeler pourquoi le droit à l’avortement doit être protégé. Dans un premier temps, nous évoquerons l’investigatrice de la loi, Simone Veil, puis nous reviendrons sur le contexte historique et le débat qu’a suscité le projet de loi.
Si durant des débats à l’Assemblée nationale, Simone Veil s’est vu insulté et traité d’autrice d’un génocide, il semble important de rappeler qu’elle fut une des victimes d’un réel génocide. Née en 1927 à Nice, elle est déportée à l’âge de 16 ans au camp d’Auschwitz-Birkenau. Elle perdra sa mère, son père et son frère dans les camps. Rescapée, elle débute des études de droit et en ressort magistrate. Son premier combat : se battre pour la dignité des détenus. En 1974, elle est nommée ministre de la Santé par le président Valéry Giscard d’Estaing qui la charge de promulguer la loi dépénalisant le recours à l’interruption volontaire de grossesse. Ainsi, elle apparaît comme une icône de la lutte contre les discriminations féminines en France. Première femme présidente du Parlement européen, elle devient une véritable pionnière de la réconciliation franco-allemande et de la construction européenne. Elle rentrera au Panthéon en 2018, un an après sa mort, laissant d’elle, l’image d’une femme forte, revendicatrice de la liberté féminine et de la dignité humaine.

À présent, revenons plus en détail sur l’objet de la loi Veil. Ainsi, même si la promulgation de la loi met un point final à ce combat féminin, d’autres évènements ont su marquer sa conquête. Par exemple, en 1955 est autorisée l’avortement thérapeutique, c’est-à-dire lorsque la vie de la mère est compromise vis-à-vis de sa grossesse ou de son accouchement. Aussi, l’année 1967 marque l’autorisation de la vente de contraceptifs sur ordonnance. De plus, le 5 avril 1971 est publié, le Manifeste des 343 dans Le Nouvel Obs, un journal français. Cet article rédigé par la philosophe féministe Simone de Beauvoir réclame un « avortement libre et gratuit » et se démarque donc comme une étape incontournable de l’acquisition du droit à l’avortement en France. Cet article est d’autant plus important qu’il a été signée, par des célébrités de l’époque comme les actrices Jeanne Moreau et Catherine Deneuve ou l’avocate Gisèle Halimi, sous l’affirmation « Un million de femmes se font avorter chaque année (…) Je déclare que je suis l’une d’elles« . En effet, si le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) entre en vigueur en 1975, avant, des femmes faisaient le choix d’avorter clandestinement. Aussi, ces avortements n’étaient pas toujours pratiqués par des professionnels de santé et pouvaient donc mettre en jeu la santé ou même la vie de ces femmes. De plus, ces pratiques révélaient des inégalités sociales puisque les femmes ayant les moyens partaient avorter en sécurité, à l’étranger, notamment en Angleterre, ou l’IVG était déjà légalisée ; quand les femmes les plus pauvres étaient donc exposées aux risques expliqués précédemment.

Marie-Claire Chevalier, jeune femme de 17 ans, est un exemple de ces femmes puisqu’elle a eu recours à l’IVG suite à un viol et est jugée pour cela au cours du procès de Bobigny en 1972. Son avocate, Gisèle Halimi décide d’en faire « le grand procès politique de l’avortement, (…) où l’on met en accusation la loi qui vous accuse ». La jeune femme, et sa mère, elle aussi jugée, sortent non coupable de ce qui fut finalement un procès médiatique et politique capital. Ainsi, Gisèle Halimi est devenue une figure majeure dans la lutte pour la dépénalisation de l’avortement et Marie-Claire Chevalier l’exemple d’une jeune femme victime de la justice. Finalement, tous ces évènements ont créé une bascule progressive des mentalités qui a été majeure dans l’obtention de ce droit.

Maintenant, je vous propose de nous concentrer sur le combat politique qu’a suscité le projet de loi. À l’Assemblée nationale, celui-ci a créé une véritable effervescence opposant les différentes visions et mentalités des députés. En effet, si certains considéraient que l’avortement serait un droit permettant aux femmes de disposer pleinement de leur corps, la majorité voyaient en l’IVG le crime d’une mère envers son propre enfant. La question qui se posait alors était « à partir de quand peut-on considérer le fœtus comme un être vivant ? Au moment où se créait sa première cellule, au moment où son cœur commence à battre ou au moment de sa naissance ? « . Ainsi, ses oppositions ont donné lieu à de nombreuses manifestations, à des débats houleux où le respect semblait tarir à l’égard de Simone Veil. En effet, la ministre subissait des insultes quotidiennes, des remarques souvent dégradantes, parfois même prononcés par des députés de son propre camp politique. Au cours du dernier débat avant le vote, des députés prennent la parole afin de diffuser l’enregistrement des battements de cœur d’un fœtus au sein de l’assemblée. Mais Simone Veil ne lâche pas son objectif et prononce son célèbre discours avec les phrases « Aucune femme ne recourt de gaîté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. L’avortement est et restera toujours un drame« , phrases qui achèveront de finalement convaincre les législateurs, car quelques heures plus tard, l’interruption volontaire de grossesse est dépénalisée pour cinq ans avec 337 voix, soit la majorité.

Cinq ans plus tard, la loi est réadopté et depuis 2001 l’autorisation parentale n’est plus nécessaire pour qu’une mineure ait recours à l’avortement. Depuis le 8 mars dernier, la Constitution indique dans son dix-septième article « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Les pionniers de cette décision espéraient ainsi protéger le droit à l’avortement pour les femmes françaises quand d’autres pays, comme les États-Unis, le remettent en cause. Mais à cette époque où chacun doit être libre de son opinion, il semble cependant important de rappeler que malgré les valeurs de chacun, le recours à l’avortement doit être un droit pour les femmes, le symbole qui montre que nous sommes tous en mesure de faire des choix concernant notre corps. Mais enfin, il est surtout important de se rappeler que le combat de ces femmes, Simone Veil, Gisèle Halimi, Marie-Claire Chevalier, est trop important pour sombrer dans l’oubli.

