Histoire

L’Origine du Printemps

Au printemps, la nature refleurit,
les mythes aussi

Ah le printemps… Quelle merveilleuse saison, n’est-ce pas ? La nature renaît plus belle de ses cendres; la flamme de l’Amour n’en est que plus resplendissante : ô printemps, ô belle saison !
Quelle période pour voir ses espoirs, ses projets, continués à atteindre leur paroxysme de grandeur, tel le Soleil atteignant son zénith en des temps qui lui sont propices ! Et pourtant, quelle joie cela serait pour nous de savoir que le printemps est venu au monde dans un contexte de sérénité ; mais comme le chêne centenaire majestueux, celui-ci a dû se battre, affronter cet être hostile qu’est le Temps. Avant la création du Monde, le Chaos était le seul maître, incontesté ; ainsi avant les beaux jours que nous connaissons et dont la moindre prononciation nous plonge dans une profonde béatitude, l’Hiver, cette créature sans âme mais vivante de par le rappel que provoque sa morsure glaciale et meurtrière, précéda l’Ordre et le calme.
C’est pourquoi aujourd’hui, je vous invite au cœur d’un des plus grands mythes de la Grèce antique. Un mythe qui a très certainement insufflé de prodigieuses inspirations aux poètes et aux écrivains. Un mythe, que vous allez découvrir dans un instant dans ce numéro, et qui est celui de : l’enlèvement de Perséphone.

Pour le meilleur…

Notre chère Perséphone, ou Proserpine chez les romains, est née sur le mont Olympe, de la semence du roi des dieux, Zeus, et de sa sœur, déesse des Récoltes, Déméter. Fille unique de cette dernière, elle grandit entourée du tendre amour de sa mère, dans un monde qui ne connaît que l’opulence et l’abondance de cette Nature que l’on nomme : la Joie.
Mais ne croyez pas qu’elle est pour autant oisive, ou qu’elle s’abandonne régulièrement aux bras de Morphée. Bien au contraire, elle remplit un rôle, sinon une fonction des plus cruciales, à savoir : aider sa mère à assurer le renouveau de la nature ; ce qui ne l’empêche pas de se délecter des plaisirs qu’offre la Vie, vous en conviendrez !

Néanmoins, alors qu’elle succombait, avec en sa compagnie une petite troupe de nymphes, aux charmes d’un narcisse, elle sent la terre trembler, même se mouvoir, comme si un Géant fut ressorti des entrailles du Tartare. Puis, cette terre s’entaille, se mutile, laisse entrevoir un gouffre, et bientôt celui-ci devient une gueule de bête sauvage de par l’odeur pestilentielle qu’il exhale. Et enfin, jaillit de cette dernière, d’une effrayante attirance par les couleurs jais qu’il adopte, lui et son char auquel sont attachés deux étalons maculés de la plus parfaite des robes noires qui soit. Cet adulte déjà d’un certain âge n’a que pour autre nom : Hadès. En effet, le roi des Enfers remonte exceptionnellement à la surface de la Terre afin de vérifier si aucune faille, causée par l’impétuosité des Géants, n’est pas trop grande et trop ouverte, pouvant à tout moment engendrer une connexion entre le monde des Mortels et celui des Morts.
Vous l’aurez sûrement deviné, les destins de ce deus ex machina, ou plutôt ex inferniis, et de cette innocente déesse, vont être intimement liés.

… et pour l’Enfer

Cette journée s’annonçait des plus délicieuses si le roi des Enfers était resté dans ses demeures infernales : mais l’Amour en a voulu autrement !
Ainsi, c’est par le rapt de Perséphone que le mythe de cette dernière commence d’une certaine manière à se tisser. Par ailleurs, au même instant, entendant au loin les pleurs désespérés de son unique enfant, la chair de sa chair, Déméter accoure, n’hésitant pas à délaisser les Moissons et à abandonner les hommes à la famine, mais en vain. Sa fille est déjà entre les mains de celui qui fera son plus grand malheur mais aussi, contre toute attente, son bonheur.
Il aura toutefois fallu neuf jours et neuf nuits avant que Déméter, errant désespérément chez les hommes, connaisse enfin le lieu du ravisseur de sa fille, lequel a été dévoilé par Hélios attendrit et même ému par cette mère déchirée par la disparition de sa fille.
Ainsi, elle va de ce pas s’empresser demander justice à Zeus, pour récupérer Perséphone, et si ce dernier vient à refuser sa demande, les hommes seront voués à la mort. Devant se montrer le plus juste possible, le roi de l’Olympe convoque Hadès, et impose à celui-ci de rendre des comptes : libérer Perséphone. Hadès accepte, en ajoutant néanmoins une condition : Proserpine ne doit pas manger la nourriture des morts. Condition simple, pour ne pas dire banale, me direz-vous ; de même qu’il n’y a aucune façon de vérifier si cet accord a bien été respecté… sauf si quelqu’un peut prendre le parti d’Hadès. Eh oui, malheureusement pour Perséphone, en plus de ne pas avoir résisté à la tentation des mets qui s’offraient à elle, un auxiliaire du roi des Enfers l’a prise en «flagrant délit» alors qu’elle dégustait quelques graines de grenade ! De ce fait, témoignant pour son maître, Zeus n’a que pour autre choix celui de se plier à l’accord qui a été scellé avec son frère.
Heureusement, il peut encore adoucir le supplice qui attend sa fille. C’est pourquoi, Perséphone, ayant mangé exactement six graines, elle devra rester pendant les six mois de l’année chez son oncle, et les autres mois auprès de sa mère. Et par conséquent, lors de cette période funeste, absolument tout périt, rappelant ainsi ce que sa mère endure.
Maintenant, à l’instar des aèdes qui chantaient ces mythes, lesquels sont parvenus jusqu’à nos oreilles, nous pouvons trouver une autre explication à ces saisons qui cohabitent avec le Temps; une explication qui est indubitablement le témoin de ce que furent ces périodes se succédant inlassablement selon les grecs «antiques». Gardons alors en mémoire que ces mêmes périodes qui se donnent la vie pour aussitôt se la ravir subsistent parce que nous nous souvenons d’elles : ainsi dévorons d’un appétit vorace pour le restant de nos jours ce met qu’est le souvenir de ces mythes, mais aussi de l’Histoire, dans le but de perdurer éternellement leur jeunesse et qu’il ne meurent pas d’une sorte de négligence. Nous devons préserver cet appétit de curiosité, ou de passion envers l’Histoire, et nous ne ressentirons la satiété qu’à notre ultime soupir.
C’est donc après vous avoir raconté la fabuleuse histoire de cette déesse amenée contre son gré à être la grande et, parfois aussi redoutée, reine des Enfers, que je vous retrouve dans un nouveau numéro du «Gay-Lu Times», en espérant que vous considérerez le printemps comme une saison romanesque.