Histoire

Philippe d’Orléans Dans l’ombre du Roi-Soleil

Philippe d’Orléans
Dans l’ombre du Roi-Soleil


A deux années près, le pouvoir de tout un royaume s’offrait à lui, mais le Destin lui a ouvert les portes d’un avenir bien différent. Écarté, de la couronne, quel avenir lui restait-il ? Pourquoi fut-il médit par certains ? Qui furent ces hommes nommés «mignons» ? Enfin, quelle marque a-t-il gravée dans le marbre de l’Histoire ? C’est ce que je vous propose de découvrir dans ce numéro.

1638, une lumière vient dissiper ces nuages qui font planer l’incertitude sur le royaume de France de laisser la maison des Bourbons à la merci de prétendants venus de lignées voisines : un nouveau-né voit le jour. Après des années tant attendues, Anne d’Autriche met au monde son premier enfant que l’on nomme, pour l’occasion, Louis Dieudonné. Ce garçon, alors héritier du royaume de France, est devenu celui que nous connaissons sous le nom de Louis XIV, à la mort de son père le roi Louis XIII. En plein règne, il connaît une gloire sans pareille : agrandissement du royaume, édification du château de Versailles, etc. bref son rayonnement éblouit tous les courtisans, et bien plus encore ; mais surtout, il gagne et garde un nom pour la postérité. Alors que le Roi-Soleil est à son zénith, une autre figure se meut entre les murs des demeures royales, sous leurs toits, à l’abri de la lumière éclatante du Roi. Un personnage qui ne passe pas ses journées à s’exercer à l’art de la guerre, et qui s’adonne à un autre plaisir que celui procuré par les femmes. Tout comme ses prédécesseurs, restés dans l’ombre de leur aîné, Philippe duc d’Orléans, est lui aussi voué à se terrer dans la pénombre des recoins, pendant que son frère le roi Louis connaît des heures douces.
Mais revenons quelques années en arrière. En 1640, Anne d’Autriche donne naissance à un second fils : Philippe. Ce dernier assure la préservation et la continuité de la dynastie des Bourbons, si son frère vient à mourir. Toutefois, bien qu’il reçoive une éducation similaire à celle de son frère, sa mère dit-on, commence à le vêtir d’une mode féminine. Ceci aurait eu pour but d’évincer Philippe du pouvoir. Toujours est-il qu’il conserva ce goût pour des tenues, certes portées par les hommes nobles, mais essentiellement réservées aux femmes : longues perruques, rubans plus extravagants les uns que les autres, chaussures à talon, visage d’une candeur immaculée du fait de son «poudroiement», etc. telle fut la mode adoptée par Philippe d’Orléans. Et il ne finit pas de surprendre ses contemporains. Alors dans toute sa jeunesse d’adulte, il n’hésite pas à s’afficher en public… avec des hommes autour du bras ! Le scandale à la cour ne peut-être qu’à sa quintessence. Néanmoins, malgré qu’il fût marié et remarié à des princesses devant essuyer l’opprobre provoqué par son orientation sexuelle (ces deux femmes respectives étant Henriette d’Angleterre et Elisabeth-Charlotte de Bavière, dit la princesse Palatine), Monsieur (ainsi nommait-on Philippe d’Orléans) n’éprouva jamais la moindre honte, ne répugna pas sa nature, dédaigna les quolibets lui étant adressés, et continua même de se donner pleinement au «vice italien». Justement, ce «vice italien», ce terme servant à désigner les personnes homosexuelles, s’accompagne de mignons. Eh oui, il se trouve 2 nobles du XVIIe siècle principalement connus pour s’être eux aussi rendus coupable de crime pour sodomie : le marquis d’Effiat (premier écuyer de Philippe), et le plus notoire, le Chevalier de Lorraine. Ce dernier est sans doute le favoris des favoris de Monsieur : grand, élégant, un corps qui ne finit pas d’être forgé par le temps, etc. il a tout pour plaire. Seul inconvénient, étant extrêmement vénal, il ne fait preuve d’aucune vergogne quant à manipuler son cher amant Philippe. Et pour cause, dilapidant des fortunes lors de parties de cartes, Monsieur se voit très souvent dans l’obligation de rembourser les dettes accumulées par son Chevalier ; lequel, pour poursuivre certaines parties, va même jusqu’à faire crédit sur le compte de Philippe !

Ne pouvant égaler Louis, et celui-ci ne voulant pas lui laisser la moindre once de gloire, Philippe n’a toujours que pour autre choix de rester cloîtrer par ses familiers, dont ses mignons. Qu’à cela ne tienne : Monsieur sait resplendir à sa manière. C’est pourquoi, sa principale résidence de Saint-Cloud (aujourd’hui disparue) constituait l’un des plus magnifiques châteaux du patrimoine architectural français ; mais cela ne s’arrêtait pas à ce détail : Saint-Cloud fut également cet écrin renfermant ce joyau que sont les Arts. Ainsi, on voit grandir tout un parterre de tableaux ; fleurir des bijoux, des diadèmes, des perles, des pierres précieuses, çà et là dans le château ; entendre le sifflement des fontaines dans les jardins ; mais plus important encore, c’est tout le bruit bestial de peintres, de sculpteurs, de dramaturges, d’une troupe de comédiens et musiciens qui retentit et fait trembler tout le domaine qui n’impose qu’une seule règle : la liberté. Problème, Louis voyant bien que la troupe de comédiens et musiciens donne de l’ampleur aux prémices d’une renommée que se forge Philippe, il décide de la lui retirer pour en faire la troupe royale, de même que Monsieur, en plus d’un train de vie dépensier, n’a plus d’argent pour se payer cette troupe.

Personnage excentrique de Versailles, paré de nombreux ornements et aimant les corps masculins, voilà ce que l’on retient généralement de Philippe d’Orléans ; apparenté aussi trop rapidement à une simple personne prodigue, omettant au passage que, certes consommateur de fortunes, il fut surtout un grand collectionneur, et aurait pu laisser une empreinte plus imposante dans l’Histoire s’il n’avait été retiré des affaires militaires par Louis (car il présentait de grandes facultés quant à la stratégie pour aboutir à la victoire lors de la guerre), ou encore, si son domaine de Saint-Cloud n’avait pas été dévoré par les flammes.
C’est donc après vous avoir fait part d’un pan de la vie de ce prince du sang que ce rouage, qui contribue à faire fonctionner cet immense mécanisme qu’est l’Histoire, dégagera une image différente que celle véhiculait par certains stéréotypes ; et je vous donne rendez-vous dans un prochain numéro du Gay-Lu Times.