L’origine de la Toussaint
Croyants ou athées, chrétiens ou pratiquants d’une toute autre religion, en un mot : peu importe votre origine, et votre appartenance religieuse, en France notamment, la fête de la Toussaint est omniprésente, la période de novembre arrivant. Eh oui, à cette date du 1er novembre, nombreux sont les chrétiens rendant hommage à leurs défunts en se recueillant sur leur tombe. Mais beaucoup de ces chrétiens, et même tout simplement un français, ne sont pas au fait de l’origine de cette célébration liturgique. C’est pourquoi, aujourd’hui, le Gay-Lu Times vous propose de retracer l’épopée de cette fête consacrée à tous les saints. De l’Orient en remontant jusqu’au Saint-Siège, c’est plus de 15 siècle d’Histoire qui vont s’ouvrir à vous ! De Boniface IV à Pie X, vous allez faire la découverte de papes qui ont marqué leur temps par leurs actes honorables, pour la quasi-totalité, mais aussi par ses relations pour le moins scandaleuses que l’un d’entre eux aurait entretenues, comme nous le prête à croire des témoignages émanant de partis adverses et parfois un tant soit peu suspicieux.
Eh oui, quelle surprise d’apprendre que la Toussaint ne vienne pas de textes bibliques ! Les religions polythéistes, connues sous le nom de «païennes» à l’arrivée de la chrétienté, étaient encore très présentes au Ve siècle, bien que le christianisme soit érigé en religion d’État depuis 392 par l’empereur Théodose. De fait, voulant enrayer ces pratiques jugées ignobles, l’Église décida d’instaurer une fête dédiée à la commémoration des martyrs. Ainsi, à Rome, en 610, ce corps religieux prit l’initiative d’officialiser cette fête, et de bien ratifier la date du 13 mai, laquelle doit ouvrir d’une certaine façon les festivités de cette nature. Action d’autant plus symbolique qu’elle fut entreprise par le pape Boniface IV à l’occasion de la conversion du Panthéon de Rome, temple réunissant toutes les divinités faisant partie intégrante de l’Empire romain, en une église appelée pour l’heure «Sancta Maria ad martyres» (Sainte-Marie aux martyres). Justement, ce pape, comme doit l’être tout homme d’Eglise, vécut une vie des plus pieuses qui soit : fervent serviteur de Dieu dans la santé, ainsi que nous venons de le constater, il le fut tout autant vers la fin de sa vie, transformant sa demeure en un monastère au sein duquel il put se recueillir et attendre que la mort l’emporte en 615.
Mais Boniface était-il le beau temps annonçant la tempête ? Devait-il, comme plusieurs de ses successeurs, être parmi ceux que l’on oublie peu à peu, ceux qui se trouvent être évincés et dont leur mémoire est substituée par celle de ces autres représentants de Dieu sur Terre ayant commis des horreurs au nom de la religion ? Des horreurs qui ne reflètent pas le christianisme, des horreurs qui souillent cette religion mettant l’amour pour son prochain au cœur de ses principes les plus sacrés, des horreurs enfin, qui malheureusement sont advenues et qui ont brisé, détruites, réduites à néant des vies entières. Ainsi, à l’instar des croisades, dont la première débuta en 1095, la Toussaint marque son temps par la date que l’Église a imposée, et ce, dans le seul but de hisser ses dogmes au premier plan, et donc, de tout mettre en œuvre pour rallier à sa cause plus de personnes, et faire sombrer dans l’oubli ces «pratiques païennes». Donc, alors qu’au VIIIe siècle les celtes païens célébraient le Samhain, nom de la divinité informant les âmes des trépassés que le jour de leur «réincarnation» est venu, mais aussi, nom désignant la commémoration des morts du 31 octobre au 1er novembre, et ce, pour seulement atteindre cette finalité. Qui plus est, la pape Grégoire III, afin rendre officiel l’événement, dédie la chapelle de Saint-Pierre à tous les saints. Après cette initiative portant un message fort, cette tradition sacrée que reste la Toussaint, commença à s’ancrer rapidement dans les mœurs de nations différentes. Pour cause, Grégoire IV, en 835, ordonna à Louis le Pieux, l’un des fils de Charlemagne, d’instituer cette fête en France. De fait, de nos jours encore, au sein de plusieurs foyers, la Toussaint se veut une fête solennelle pour quelques-uns, ou tout simplement un événement banal introduisant les premières vacances scolaires.
Mais encore une fois, nous pouvons relever quelques évolutions. Eh oui, en 1580, le pape Sixte IV se chargea de mettre en avant la Toussaint, en la plaçant au rang de «Grande fête chrétienne», telle Pâques ou encore Noël. Par ailleurs, si le nom de Sixte IV vous évoque quelque chose, cela est tout à fait normal. Le 25 août 1471, Francesco della Rovere, prend le nom de Sixte IV, après avoir été élu pape. Menant une carrière de mécène, il se fait le restaurateur de Rome : fondations de musées du Capitole, construction du Pont Sisto, de bâtisses à caractère pieux telle la chapelle Sixtine (1477-1483), etc. ces exemples d’entreprise façonnent son patronage. Cependant, sa fonction pontificale se voit entachée par un sacrilège. Accusé par un nombre assez conséquent de ses contemporains, Sixte IV fait l’objet d’accusations qui resteront empreintes des siècles suivant sa mort : à leurs yeux, le péché qui l’habite est celui de pédérastie ! C’est le cas de Stefano Infessura, historien du XVe siècle, qui n’hésite pas à lapider Sixte IV de ce genre critiques. On le relèvera, celles-ci sont peut-être lancées à tort et à travers, Infessura étant proche de la famille Colonna, hostile au pape alors en place. Ces vociférations peuvent donc être remises en cause, du fait de la position qu’occupe cet historien. Néanmoins, Juan Antonio Llorente, inquisiteur espagnol, professe aussi des dires d’une même nature à l’encontre de Sixte IV. Nombreux sont alors ceux qui ont retenu contre lui ces chefs d’accusations que sont la sodomie, mais aussi le népotisme que Sixte IV a exercé à l’égard de ses neveux (Giullano della Rovere, futur pape Jules II, en faisant partie), et pour d’autres jeunes hommes (réputés pour leur beauté), déclenchant a fortiori ces critiques. Simples quolibets ou faits avérés, Sixte IV n’en reste pas moins un facteur important quant à l’avancée de la Toussaint.
Mais c’est seulement l’un de ses pairs, Pie X, qui, au XXe siècle, fait de la Toussaint une «fête d’obligation», une fête, vous l’aurez compris, à laquelle tous les fidèles doivent assister.
C’est donc après vous avoir conté cette passionnante histoire qu’est celle de la Toussaint, aux parfums d’une arme, et vous avoir fait découvrir, j’espère, des figures papales toutes aussi intéressantes les unes que les autres de par leurs actions qui leur sont raccrochées, que je vous retrouve dans un prochain numéro du Gay-Lu Times.